Interview de David Roux et Zita Hanrot
Dans le cadre du Festival International du Film Francophone de Namur
30 septembre 2018
Dans le cadre du Festival International du Film Francophone de Namur
30 septembre 2018
C'était en septembre dernier lors de la présentation en avant-première de leur film « L’ordre du médecin » au FIFF de Namur. Le réalisateur David Roux et la comédienne Zita Hanrot nous avaient offert une belle demi-heure d’échange en toute complicité. Attablés à la table du foyer du théâtre namurois, nous avons évoqué la genèse du film, les enjeux et la préparation d’un sujet aussi sensible, l'ambiance au moment du tournage, l'acteur Jérémie Renier mais aussi les événements vécus par David Roux et qui ont donné naissance à ce film pudique et d'une humanité évidente!
Véronique : Avant de parler de votre film, « L’ordre des médecins », il nous semblait important d’évoquer votre parcours, David. En plus d’être scénariste, vous avez déjà réalisé un court-métrage sur l’univers des Roms. Vous pouvez nous en dire plus ?
David Roux : J’ai en effet réalisé en 2012 un court métrage sur des jeunes roms, une fiction très proche de la réalité que l’on a tournée avec des enfants roms et des comédiens non-professionnels. J’ai également travaillé sur le scénario d’un court métrage présenté ici à Namur il y a des années de cela et qui s’appelait « Donde esta Kim Basinger » avec Edouard Deluc. Véronique : Et vous voici ici avec votre premier long-métrage, « L’ordre des médecins » qui, comme son nom l’indique, se déroule dans le milieu hospitalier. Comment cette thématique s’est-elle imposée à vous ? David Roux: J’ai voulu faire, depuis longtemps, un film sur le milieu hospitalier. Mes deux parents sont médecins et enfant, j’arpentais les couloirs de l’hôpital et je les retrouvais au bureau très joyeusement. Mon frère ainé est lui aussi devenu médecin : il est pneumologue en soins intensifs et je me suis très directement inspiré de lui pour le personnage de Simon, qui est joué par Jérémie Renier. |
J’avais cette idée depuis très longtemps et j’ai fini par l’entreprendre après la mort de ma mère. J’ai commencé son écriture fin 2014 - début 2015 dans le cadre de l’atelier d’écriture de scénario de la Fémis, que je recommande vivement à toute personne qui souhaite un jour faire du cinéma et qui ne sait pas comment faire. C’est là-bas que tout a été décisif : le petit groupe avec qui je travaillais m’a ouvert les yeux sur la nature et le véritable sujet du film et mon envie initiale et lointaine de faire un film sur l’hôpital mais aussi l’expérience intime et douloureuse de la perte de ma mère. C’est ainsi que le film est né.
Véronique : Les comédiens et vous, Zita, vous avez dû, j’imagine, vous imprégniez des lieux, du fonctionnement et des émotions latentes des équipes médicales. Vous avez rencontré des professionnels pour vous préparer à ce rôle ?
Zita Hanrot : Oui, j’ai rencontré un médecin durant une journée, Olivier Sanchez, qui travaille à l’hôpital Pompidou à Paris, en pneumologie. C’était très intéressant parce que, vous avez raison, les émotions sont gardées et le personnel doit gérer le quotidien mais aussi les annonces de la mort et les mauvaises nouvelles. En tant qu’actrice, j’avais une scène dans laquelle je devais annoncer la mort de la mère et expliquer la marche à suivre pour les affaires, tout le protocole mais j’étais incapable de le faire sans pleurer et ça a d’ailleurs été coupé au montage.
Véronique : Les comédiens et vous, Zita, vous avez dû, j’imagine, vous imprégniez des lieux, du fonctionnement et des émotions latentes des équipes médicales. Vous avez rencontré des professionnels pour vous préparer à ce rôle ?
Zita Hanrot : Oui, j’ai rencontré un médecin durant une journée, Olivier Sanchez, qui travaille à l’hôpital Pompidou à Paris, en pneumologie. C’était très intéressant parce que, vous avez raison, les émotions sont gardées et le personnel doit gérer le quotidien mais aussi les annonces de la mort et les mauvaises nouvelles. En tant qu’actrice, j’avais une scène dans laquelle je devais annoncer la mort de la mère et expliquer la marche à suivre pour les affaires, tout le protocole mais j’étais incapable de le faire sans pleurer et ça a d’ailleurs été coupé au montage.
Il y a quelque chose d’intense dans ce service et c’est très difficile de gérer. Je suis épatée par les médecins qui parviennent à garder une distance et une empathie face à la famille des patients. J’ai aussi rencontré de jeunes internes, je leur ai demandé quel rapport ils entretenaient face à la maladie, la mort comment ils géraient cela dans leur profession mais ils font très bien car c’est leur quotidien, ça fait partie du boulot et ils ne peuvent pas se laisser submerger. J’ai apprécié les moments de décompression, qui montrent qu’ils ont besoin de lâcher, de partager des moments tous ensemble. On l’a fait nous aussi avec jeune et belle bande d’acteurs. David a très bien su retranscrire le petit monde de l’hôpital et son organisation.
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Un exemple qui m’a marqué, c’est le phrasé des médecins qui est très différent du nôtre. Lors des briefings, ils utilisent des termes spécifiques, personne n’articule mais tout le monde se comprend et sait de quoi il s’agit alors que nous, on ne comprend rien ! (Rires). Ils parlent de choses importantes, de doses de médicaments et même si c’est incompréhensible, ils acquiescent tous. Quand on a dû jouer cela, c’était fun et j’ai moi-même fait un travail de désarticulation pour avoir ce phrasé-là.
Une autre chose qui m’a marquée, c’est qu’il y a une espèce de banalisation du corps des patients : on voit l’intimité des gens, on les voit dans des situations compliquées mais il y a beaucoup d’humour entre les patients et les médecins mais il y a toujours de la bienveillance car ils restent dans leur rôle d’aide-soignant. Je crois que cette distance est nécessaire si on veut faire ce métier.
François : Il y a d’ailleurs une scène qui nous a marqué dans votre film, c’est celle où un jeune interne dit « tout ira bien, on s’occupe de vous ». En tant que spectateur, ça nous permet d’espérer et on sait que dans ces services-là, le mental est super important. Mais le personnage de Simon nous rappelle à la dure réalité lorsqu’il dispute cet interne et lui dit qu’il ne faut jamais rien promettre qu’on ne puisse tenir.
David Roux : Ça fait partie de l’apprentissage. Ce môme voudrait croire qu’il est capable de tout mais ce n’est pas possible. Mon frère m’a expliqué cette anecdote où un petit jeune bien fier, et qui voulait sans doute impressionner et draguer une autre interne, s’est adressé à une femme pour qui on ne pouvait plus rien en lui disant que tout irait bien. Mon frère est devenu dingue et l’a engueulé en sortant car évidemment qu’on voudrait y croire mais on ne peut pas raconter n’importe quoi aux gens d’autant que notre responsabilité est en jeu et encore plus quand on sait qu’on ne peut plus rien faire. Les curseurs s’ajustent tout le temps, au fil du temps et on ne peut pas l’apprendre à nos dépens.
Une autre chose qui m’a marquée, c’est qu’il y a une espèce de banalisation du corps des patients : on voit l’intimité des gens, on les voit dans des situations compliquées mais il y a beaucoup d’humour entre les patients et les médecins mais il y a toujours de la bienveillance car ils restent dans leur rôle d’aide-soignant. Je crois que cette distance est nécessaire si on veut faire ce métier.
François : Il y a d’ailleurs une scène qui nous a marqué dans votre film, c’est celle où un jeune interne dit « tout ira bien, on s’occupe de vous ». En tant que spectateur, ça nous permet d’espérer et on sait que dans ces services-là, le mental est super important. Mais le personnage de Simon nous rappelle à la dure réalité lorsqu’il dispute cet interne et lui dit qu’il ne faut jamais rien promettre qu’on ne puisse tenir.
David Roux : Ça fait partie de l’apprentissage. Ce môme voudrait croire qu’il est capable de tout mais ce n’est pas possible. Mon frère m’a expliqué cette anecdote où un petit jeune bien fier, et qui voulait sans doute impressionner et draguer une autre interne, s’est adressé à une femme pour qui on ne pouvait plus rien en lui disant que tout irait bien. Mon frère est devenu dingue et l’a engueulé en sortant car évidemment qu’on voudrait y croire mais on ne peut pas raconter n’importe quoi aux gens d’autant que notre responsabilité est en jeu et encore plus quand on sait qu’on ne peut plus rien faire. Les curseurs s’ajustent tout le temps, au fil du temps et on ne peut pas l’apprendre à nos dépens.
Le personnage de Simon se laisse bercer par un confort car l’hôpital c’est son biotope, son milieu naturel. Il a des habitudes mais tout est remis en question lorsque dans sa sphère privée et intime, apparait la maladie et la mort de sa mère. Il est confronté aux questions qu’ils se posent dans son métier mais ne peut pas y apporter de réponses. Je pense d’ailleurs qu’après être passé par là, il sera un meilleur médecin à la fin du film mais aussi un meilleur homme.
Véronique : Il a, quelques part, l’effet miroir de ce qu’est son quotidien et il le perçoit du point de vue de la famille des patients. |
David Roux: Exactement ! C’est un film très intérieur qui aborde sans cesse cette question. J’ai dû réfléchir à la manière de faire bouger des petits rouages psychologiques sans trop les montrer. Je ne voulais pas aller chercher trop loin, ne pas être trop impératif ou autoritaire. L’incarnation du personnage par Jérémie donne énormément de subtilités à toutes ces choses, tous ces questionnements. Il a su s’emparer du personnage et il l’a posé là, devant ma caméra. Par chance, on a réussi à tourner dans la continuité ce qui fait qu’il a vraiment évolué, construit son personnage jour après jour. Il l’a fait avec des subtilités qui m’avaient échappées au moment du tournage et je les ai découvertes au montage. Il a su incarner tous les changements infimes qui, additionnés, changent son personnage et fait de lui un autre homme.
François : Jérémie Renier n’en fait pas trop. On voit l’orientation qu’il prend au moment où il le fait mais jamais de façon trop démonstrative. D’ailleurs, le film prend le temps sans qu’il ne soit ni long ni lent. Comment avez-vous géré ce rythme, cette justesse ?
David Roux: Je ne me suis jamais dit que j’allais me réfréner sur une scène ou sur une autre, d’autant plus que tout est inspiré d’une expérience vécue, l’hospitalisation et la mort de ma mère. A l’époque, je voyais mon frère bosser à l’hôpital et qui, en fin de journée, venait voir ma mère et se retrouvait sous le feu de toutes nos questions. Il était impuissant face à nous, sa position était impossible et tout cela a duré trois mois, avec des hauts et des bas. Heureusement, on se retrouvait aussi dans des moments très heureux, on ne passait pas tout notre temps à pleurer car nous sommes une grande fratrie et on était soutenu par nos proches, dont Zita qui est une cousine par alliance. Je sais combien tout cela prend du temps : c’est une petite période mais on a plus de conscience du jour et de la nuit, tout forme un bloc et je voulais travailler autour de cette idée de temps aboli par l’attente et le fait qu’on veut repousser le moment décisif.
Le temps est une matière essentielle du film et je savais que je voulais faire un film « d’intensité basse ». En gros, je ne voulais pas être en réaction face aux séries et films où tout va vite. Là, on ne comprend pas ce qui nous arrive et je ne voulais pas que les spectateurs aient un temps d’avance sur le personnage de Simon. Je voulais justement qu’on passe du temps avec lui, qu’on mesure cette attente, cette lenteur. J’adore le cinéma lent, il se passe plus de choses et on a l’impression de ressentir plus de sentiments sur le moment. Je ne voulais pas faire de film spectaculaire mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas ressentir de sentiments forts.
Zita Hanrot : Dans l’écriture, on sentait déjà où David voulait aller. Il y a une pudeur intéressante, on a l’impression d’être toujours sur un fil. Du coup, en tant qu’acteurs, on ne pouvait pas over réagir, il fallait rester subtil…
François : Jérémie Renier n’en fait pas trop. On voit l’orientation qu’il prend au moment où il le fait mais jamais de façon trop démonstrative. D’ailleurs, le film prend le temps sans qu’il ne soit ni long ni lent. Comment avez-vous géré ce rythme, cette justesse ?
David Roux: Je ne me suis jamais dit que j’allais me réfréner sur une scène ou sur une autre, d’autant plus que tout est inspiré d’une expérience vécue, l’hospitalisation et la mort de ma mère. A l’époque, je voyais mon frère bosser à l’hôpital et qui, en fin de journée, venait voir ma mère et se retrouvait sous le feu de toutes nos questions. Il était impuissant face à nous, sa position était impossible et tout cela a duré trois mois, avec des hauts et des bas. Heureusement, on se retrouvait aussi dans des moments très heureux, on ne passait pas tout notre temps à pleurer car nous sommes une grande fratrie et on était soutenu par nos proches, dont Zita qui est une cousine par alliance. Je sais combien tout cela prend du temps : c’est une petite période mais on a plus de conscience du jour et de la nuit, tout forme un bloc et je voulais travailler autour de cette idée de temps aboli par l’attente et le fait qu’on veut repousser le moment décisif.
Le temps est une matière essentielle du film et je savais que je voulais faire un film « d’intensité basse ». En gros, je ne voulais pas être en réaction face aux séries et films où tout va vite. Là, on ne comprend pas ce qui nous arrive et je ne voulais pas que les spectateurs aient un temps d’avance sur le personnage de Simon. Je voulais justement qu’on passe du temps avec lui, qu’on mesure cette attente, cette lenteur. J’adore le cinéma lent, il se passe plus de choses et on a l’impression de ressentir plus de sentiments sur le moment. Je ne voulais pas faire de film spectaculaire mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas ressentir de sentiments forts.
Zita Hanrot : Dans l’écriture, on sentait déjà où David voulait aller. Il y a une pudeur intéressante, on a l’impression d’être toujours sur un fil. Du coup, en tant qu’acteurs, on ne pouvait pas over réagir, il fallait rester subtil…
David Roux: Plusieurs étapes ont permis ce dosage, dans l’écriture et sur le plateau. Je me suis souvent posé la question de la distance à laquelle on se met. Quel sera notre point de vue ? J’ai besoin de réfléchir au temps et à la distance lorsque je fais de la mise en scène. On peut raconter une histoire de mille façons mais moi, je voulais en parler sans qu’elle soit trop envahissante, d’autant plus que j’y ai convoqué des choses très personnelles. La chorale yiddish est celle qui est vraiment venue dans la chambre de ma mère. Je me suis dit qu’il fallait mettre cela dedans, car ça y avait sa place. Nombreuses sont les choses personnelles qui se sont invitées dans mon film et j’avais sans doute moi aussi besoin d’une distance pour que ce ne soit pas plombant pour moi ni pour les spectateurs.
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Zita Hanrot : C’est amusant que tu dises cela parce que je trouve que le film raconte justement ça : quelle est la bonne distance à avoir et à adopter dans de telles circonstances…
François : Au vu du résultat, on peut dire que vous avez une excellence maitrise du langage cinématographique et que vous restez en tout point positif. La musique n’est pas poussive non plus.
David Roux: Pour moi, le dosage doit être permanent et dans tout. Il en faut assez pour susciter une émotion mais il ne faut pas être intrusif. Je déteste quand on m’oblige à ressentir un truc. J’ai voulu faire la même chose dans mon film.
Comme tous les réalisateurs, je suis avant tout un spectateur. Je ne sais pas si je maitrise le langage cinématographique ou pas mais j’ai regardé des films pour les comprendre, analyser leur fonctionnement, et je sais ce que j’aime ou non. Toute cela m’a permis de me constituer des armes et des outils pour faire mon premier film. Tout ça pour vous dire que je préfère toujours les films qui traitent les spectateurs en adultes, qui s’adressent à eux directement sans les manipuler, sans qu’ils leur disent que penser ou pas. Si ça doit toucher des gens, ils s’investiront dans le film comme ils veulent, avec leur expérience personnelle. Je ne veux pas qu’ils sachent avant Simon ce qui va lui arriver mais qu’ils découvrent ensemble la suite sans tout expliquer, en laissant une zone vierge à chacun. Les choses doivent prendre du temps pour être digérées, comme dans la vie.
Concernant la musique, c’est Jonathan Fitoussi qui a fait un super boulot. Il a tout un tas d’appareils, des synthés des années 70, avec des musicalités de l’époque. Il n’y a pas un son qui ne soit pas organique ! Il les enregistre, les tord, les inverse, c’est impressionnant. Cette musique intérieure, métaphysique, était très complémentaire des musiques de Colette Magny, Joe Dassin, les musiques yiddish… tout se répond bien et en plus de cela, il m’a emmené là où je ne soupçonnais même pas aller.
Véronique : On parlait de Jérémie Renier et de son rôle. Il vous a mis en scène dans « Carnivores ». Comment avez-vous géré le tournage en tant que comédiens ?
Zita Hanrot : C’était rigolo car, quand David m’a proposé de jouer Agathe, je ne connaissais pas encore Jérémie. Je l’ai rencontré quand on a fait une session de travail dans le festival « Emergences », une résidence de mise en scène. Il m’a parlé de son long-métrage et de son histoire et j’ai trouvé ça génial. Mon agent m’a appelé quelques jours plus tard pour les essais et ça s’est fait. Du coup, durant le tournage du film de David, j’avais l’impression de travailler en famille : il y avait David, que connais depuis très longtemps et avec qui je m’entends bien et Jérémie, avec qui j’avais tourné « Carnivores ». L’ambiance était agréable... Jérémie, en plus d’être un très bon acteur est aussi un très bon directeur d’acteurs. Au début, j’avais du mal à chaque fin de scène, je me retournais souvent vers lui pour lui demander son retour, par habitude par rapport à « Carnivores ». (Rires) Et puis, c’était étrange de jouer des scènes intimes avec lui. On a un rapport de fratrie, je me vois un peu comme sa petite sœur et quand je l’embrassais, c’était comme si j’avais embrassé mon frère... (Rires)
François : Au vu du résultat, on peut dire que vous avez une excellence maitrise du langage cinématographique et que vous restez en tout point positif. La musique n’est pas poussive non plus.
David Roux: Pour moi, le dosage doit être permanent et dans tout. Il en faut assez pour susciter une émotion mais il ne faut pas être intrusif. Je déteste quand on m’oblige à ressentir un truc. J’ai voulu faire la même chose dans mon film.
Comme tous les réalisateurs, je suis avant tout un spectateur. Je ne sais pas si je maitrise le langage cinématographique ou pas mais j’ai regardé des films pour les comprendre, analyser leur fonctionnement, et je sais ce que j’aime ou non. Toute cela m’a permis de me constituer des armes et des outils pour faire mon premier film. Tout ça pour vous dire que je préfère toujours les films qui traitent les spectateurs en adultes, qui s’adressent à eux directement sans les manipuler, sans qu’ils leur disent que penser ou pas. Si ça doit toucher des gens, ils s’investiront dans le film comme ils veulent, avec leur expérience personnelle. Je ne veux pas qu’ils sachent avant Simon ce qui va lui arriver mais qu’ils découvrent ensemble la suite sans tout expliquer, en laissant une zone vierge à chacun. Les choses doivent prendre du temps pour être digérées, comme dans la vie.
Concernant la musique, c’est Jonathan Fitoussi qui a fait un super boulot. Il a tout un tas d’appareils, des synthés des années 70, avec des musicalités de l’époque. Il n’y a pas un son qui ne soit pas organique ! Il les enregistre, les tord, les inverse, c’est impressionnant. Cette musique intérieure, métaphysique, était très complémentaire des musiques de Colette Magny, Joe Dassin, les musiques yiddish… tout se répond bien et en plus de cela, il m’a emmené là où je ne soupçonnais même pas aller.
Véronique : On parlait de Jérémie Renier et de son rôle. Il vous a mis en scène dans « Carnivores ». Comment avez-vous géré le tournage en tant que comédiens ?
Zita Hanrot : C’était rigolo car, quand David m’a proposé de jouer Agathe, je ne connaissais pas encore Jérémie. Je l’ai rencontré quand on a fait une session de travail dans le festival « Emergences », une résidence de mise en scène. Il m’a parlé de son long-métrage et de son histoire et j’ai trouvé ça génial. Mon agent m’a appelé quelques jours plus tard pour les essais et ça s’est fait. Du coup, durant le tournage du film de David, j’avais l’impression de travailler en famille : il y avait David, que connais depuis très longtemps et avec qui je m’entends bien et Jérémie, avec qui j’avais tourné « Carnivores ». L’ambiance était agréable... Jérémie, en plus d’être un très bon acteur est aussi un très bon directeur d’acteurs. Au début, j’avais du mal à chaque fin de scène, je me retournais souvent vers lui pour lui demander son retour, par habitude par rapport à « Carnivores ». (Rires) Et puis, c’était étrange de jouer des scènes intimes avec lui. On a un rapport de fratrie, je me vois un peu comme sa petite sœur et quand je l’embrassais, c’était comme si j’avais embrassé mon frère... (Rires)
C’était très joyeux comme tournage. J’ai eu beaucoup de plaisir de jouer avec toute la bande : Fred Epaud, Jisca Kalvanda, Jeanne Rosa, Maud Wyler, Marthe Keller,.. Pour moi, la mise en scène, commence dès le casting. Si les acteurs choisis correspondent bien, si c’est cohérent et que les énergies vont ensemble, ça ne peut que fonctionner et c’est 80% du travail accompli. Certains réalisateurs se plantent sur leur choix de casting alors qu’ici, David nous a bien réuni : le ton de jeu est homogène, on n’a pas de codes différents, …
David Roux : Comme vous pouvez le voir, je leur ai appris beaucoup (rires) Zita Hanrot : Oui ! David, c’est mon maitre spirituel (rires). |
J’ai adoré jouer avec eux-tous, il y a une vraie bonne composition, un vrai bon dosage. J’adore tourner avec Jérémie et je referais avec grand plaisir d’autres choses avec lui.
Véronique : « L’ordre des médecins » est un film très humain, malgré le fait qu’il se déroule dans un service où ce n’est pas facile. Il y a une vraie écoute. L’humanité de chaque personnage est révélée, tout comme celle des acteurs… Ce n’est pas qu’une histoire, on sent le travail de respect de chaque acteur pour le sujet. C’est un film vérité.
David Roux : J’aime beaucoup ce que vous dites, je ne sais même pas quoi répondre tellement c’est beau (rires). L’histoire du film n’a rien d’exceptionnel, elle n’est pas édifiante mais il fallait qu’elle imprègne chaque personnage d’une certaine justesse. Ma seule part de responsabilité, c’est d’avoir choisi des comédiens qui se sont investis de façon tellement juste et généreuse. Marthe (Keller) parvient à rendre la mère telle que je l’avais rêvée : lumineuse alors qu’elle est alitée du début à la fin de l’histoire. Son charisme, sa générosité, son expérience et sa sagesse permettent d’irriguer le film d’un truc très puissant et lumineux.
Pendant 15 ans, j’ai été journaliste de théâtre et j’ai fait mon casting auprès des comédiens de théâtre que j’ai admiré. Même pour les petits rôles, j’ai eu la chance d’avoir des comédiens qui venaient deux heures sur le plateau avant de reprendre le train pour Paris et être sur les planches le soir. Ils se sont beaucoup donnés. Moi, quelques heures avant, j’étais seul face à mon mur, à regarder les plannings dans un bureau de prépa austère et quand je voyais leur photo, ça me faisait fantasmer. Le moindre d’entre eux a apporté un truc vraiment très fort. Cette partie là du film s’est construite en dehors de moi…
Zita Hanrot : tu aimes les gens et ça se sent sur le plateau : il y a de la douceur, de la bienveillance, il y aussi de la rigueur mais on sent que tu aimes regarder tes acteurs.
David Roux: c’est une forme de confiance et c’est pour cela qu’il ne faut pas non plus tout régenter. J’avais eu cette mise en garde et il faut être conscient qu’on a peu d’expérience à côté des autres. N’importe quel machino fait 5 films par an et moi, je débarque pour faire mon premier film à 40 ans… J’étais très inexpérimenté et c’est pour ça que l’essentiel s’est joué, je pense, dans ce qui vit à l’écran, grâce aux comédiens. Si ça sonne juste, alors, on a réussi 95% du travail. Sur le plateau, mon travail était là : ne pas expliquer ce que doivent faire les comédiens, mais entreprendre l’animation de tous de façon joyeuse. Si chacun avait envie d’être là, on a gagné une grande partie de la bataille…
Véronique : « L’ordre des médecins » est un film très humain, malgré le fait qu’il se déroule dans un service où ce n’est pas facile. Il y a une vraie écoute. L’humanité de chaque personnage est révélée, tout comme celle des acteurs… Ce n’est pas qu’une histoire, on sent le travail de respect de chaque acteur pour le sujet. C’est un film vérité.
David Roux : J’aime beaucoup ce que vous dites, je ne sais même pas quoi répondre tellement c’est beau (rires). L’histoire du film n’a rien d’exceptionnel, elle n’est pas édifiante mais il fallait qu’elle imprègne chaque personnage d’une certaine justesse. Ma seule part de responsabilité, c’est d’avoir choisi des comédiens qui se sont investis de façon tellement juste et généreuse. Marthe (Keller) parvient à rendre la mère telle que je l’avais rêvée : lumineuse alors qu’elle est alitée du début à la fin de l’histoire. Son charisme, sa générosité, son expérience et sa sagesse permettent d’irriguer le film d’un truc très puissant et lumineux.
Pendant 15 ans, j’ai été journaliste de théâtre et j’ai fait mon casting auprès des comédiens de théâtre que j’ai admiré. Même pour les petits rôles, j’ai eu la chance d’avoir des comédiens qui venaient deux heures sur le plateau avant de reprendre le train pour Paris et être sur les planches le soir. Ils se sont beaucoup donnés. Moi, quelques heures avant, j’étais seul face à mon mur, à regarder les plannings dans un bureau de prépa austère et quand je voyais leur photo, ça me faisait fantasmer. Le moindre d’entre eux a apporté un truc vraiment très fort. Cette partie là du film s’est construite en dehors de moi…
Zita Hanrot : tu aimes les gens et ça se sent sur le plateau : il y a de la douceur, de la bienveillance, il y aussi de la rigueur mais on sent que tu aimes regarder tes acteurs.
David Roux: c’est une forme de confiance et c’est pour cela qu’il ne faut pas non plus tout régenter. J’avais eu cette mise en garde et il faut être conscient qu’on a peu d’expérience à côté des autres. N’importe quel machino fait 5 films par an et moi, je débarque pour faire mon premier film à 40 ans… J’étais très inexpérimenté et c’est pour ça que l’essentiel s’est joué, je pense, dans ce qui vit à l’écran, grâce aux comédiens. Si ça sonne juste, alors, on a réussi 95% du travail. Sur le plateau, mon travail était là : ne pas expliquer ce que doivent faire les comédiens, mais entreprendre l’animation de tous de façon joyeuse. Si chacun avait envie d’être là, on a gagné une grande partie de la bataille…